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Les tatouages corporels, une pratique à la mode

  • 1 septembre 2022
L’usage du tatouage ne date pas d’aujourd’hui. Beaucoup de cultures en ont pratiqué aussi bien en Afrique traditionnelle que sur d’autres continents. Sa pratique était, généralement, liée à des raisons symboliques, religieuses ou esthétiques ou au sens d’appartenance à un groupe.

Le British Museum conserve deux momies égyptiennes, tatouées, vieilles de 5000 ans, arrachés à Luxor. Un homme avec un dessin de mouton sur l’épaule et une femme avec une forme stylisée de S, également à l’épaule, affirmait le journaliste Léon Pajon, dans un article de 18 avril 2018 dans la revue Jeune Afrique. Preuve que, dans beaucoup de civilisations, le marquage de la peau existe depuis la nuit des temps.
En effet, le tatouage vient du mot tahitien (une langue en Polynésie Française) «Tatau». Il indique une marque ou un dessin. Le docteur Berchon, traducteur du deuxième voyage de Cook vers Tahiti en 1772, employa pour la première fois le mot tattoo, en anglais. Le mot sera francisé en « tatouage» à la fin des années 1700 et introduit dans le dictionnaire de l’académie française en 1798. Il désigne ainsi une marque posée sur la peau d’une partie du corps humain ou animal domestique, en utilisant des produits (encre, soie…) ou toute technique de l’incision qui laisse des motifs parfois indélébiles. Certains types de tatouages sont temporaires tandis que d’autres sont permanents. Ils se faisaient généralement sur les tempes, le dos, la poitrine, aux contours de la bouche, sur des gencives, aux poignets ou aux chevilles… Le tattoo représentait une appartenance une vision concrète de la vie et de la beauté. En Afrique, où la culture de l’initiation était répandue, le tatouage constituait un rite de passage à cause de la douleur endurée lors de la réalisation du motif. Mais, il était aussi un moyen pour marquer l’identification des esclaves, des prisonniers, etc. On comprend naturellement que dans ce contexte, la décision de se faire tatouer venait du groupe et pas nécessairement de l’individu lui-même.



En Afrique traditionnelle, le tatouage constitue un signe d'identification avec sa tribu ou sa famille


Aux temps modernes, ‘un artefact de la consommation’
De nos jours, la culture du tatouage est en vogue. Mais les raisons de son emploi ont beaucoup changé, allant des plus fantaisistes à celles exprimant une idéologie ou une vision du monde. Pour M. Grebe Cabrera, avant, «se faire tatouer une ancre, un aigle, une épée ou une tête de mort signalait l’appartenance à un gang, à un mode de vie marginal. Maintenant, les tatouages sont extrêmement variés et servent à affirmer son individualité.»
Les raisons de l’indentification de l’individu à son groupe (tribu, ethnie, classe social…), à sa culture, à la religion ont cédé de plus en plus de la place à l’esthétique et à la mode pour le demandeur, et au lucre pour le tatoueur. Aujourd’hui, l’engouement pour le tatouage est plus dicté par l’envie de se faire beau ou belle. Aussi, on se fait appliquer une parure encrée dans sa peau avec des fleurs, des oiseaux, de jolis dessins esthétiques, etc. Ces motifs modernes se font sur n’importe quelle partie du corps, y compris sur des parties intimes. Parfois, ils n’obéissent à aucune règle de morale publique, exceptée la mode.
Par ailleurs, si la signification du tatouage dans les anciennes traditions était focalisée sur l’identification sociale, aujourd’hui, ils servent d’affirmations identitaires et idéologiques au-delà de toute appartenance tribale ou ethnique. En effet, il y en a qui se tatouent avec des phrases servant de devise ou de slogan, d’autres avec des visages d’hommes politiques ou des activistes sociaux en vogue ayant marqué leur vie, d’autres encore, avec les noms de leurs fiancé(e)s ; etc. En outre, pour beaucoup de spécialistes du domaine dont le journaliste canadien Stéphane Baillargeon, « la peau encrée exprime une distinction ou une volonté de particularité individuelle, symbole de son histoire ou de son succès.
Il devient un artefact de consommation et de communication même, à la place d’être un vecteur d’identité, ajoute l’uruguayen M. Jose Grebe Cabrera. C’est là, un langage social de positionnement individuel dans un monde hautement pluriel.

Un marché florissant
Toutes ces raisons rendent le tatouage populaire surtout dans le monde des sports, des artistes, des gangs en particulier et des jeunes, en général. Ainsi, le tatouage est devenu, aujourd’hui, un métier largement sollicité au même titre que la coiffure.
Pour vous faire une image de l’évolution de la pratique et du marché du dessin sur le corps humain quelques statistiques suffisent. Au Canada, le sondage Ipsos Reid effectué en 2016, indiquait qu’un Canadien sur quatre était déjà tatoué, y compris le premier ministre Justin Trudeau. Toutes les tranches d’âge sont concernées. Mais, la proportion est plus élevée chez les jeunes: un sur trois chez les jeunes de 18 à 35 ans. Aux États-Unis, le Pew Research Center, parlait de 45 millions de clients de la pratique. En Europe, rien qu’en France, l’Institut français d’opinion publique (Ifop), relevait en 2018, que les porteurs des marques sur le corps seraient 7 millions, soit 2 millions de plus qu’il y a six ans. Dans les années 80, une vingtaine de salons de tatouage étaient ouverts en France. En 2018, il y en avait plus de 5000, indique un sondage Ifop réalisé pour le journal La Croix.
En Afrique, bien que le tatouage se pratique, il est difficile de trouver des chiffres. Néanmoins, ces dernières années, des dizaines de salons ont ouvert, spécialement dans les grandes villes. Selon Léon Pajon, l’Afrique du Sud jouerait le rôle de précurseur, avec l’organisation d’un événement spécifique, la South African International Tattoo Convention, dont la deuxième édition, réunissant plus de 80 artistes internationaux, s’est tenue fin mars 2018.
C’est un secteur qui paie bien. Une séance de tatouage coûte une fortune. En effet, en Afrique du Sud, après trois heures d’incision, un grand motif coûte environ 5. 000 rands l’équivalent de 400 dollars, soit environ un mois de salaire de l’ouvrier sudafricain.



Afrique du Sud, un jeune se fait tatouer l'image de Nelson Mandela


Ses conséquences sur la santé
L’amour du corps décoré ne devrait pas oublier les conséquences d’une telle pratique sur la santé et dont le candidat au tatouage et le tatoueur devraient tenir compte. Un tatouage sur le corps n’est pas une mince affaire sur la peau. C’est un acte médical qui introduit des pigments de couleurs dans le derme. L’introduction des corps étrangers dans le corps humain n’est pas un geste anodin. Elle génère un phénomène d’inflammation et ouvre des centaines de portes aux infections virales. Aussi, on dénonce des risques d’allergies et d’inflammations dues à l’encre. Les symptômes d’allergie au tatouage sont la peau qui gonfle et qui gratte. Dans certains cas extrêmes d’allergie, le tatouage doit être retiré soit par laser, soit par chirurgie. Il existe aussi des risques infectieux locaux comme des granulomes ou des infections bactériennes à staphylocoques. Dans le pire des cas, du tatouage peut résulter des risques infectieux viraux comme l’hépatite B et C et le VIH.

La meilleure protection, la prudence
La meilleure protection contre ces maladies et ces infections consiste au choix d’un spécialiste du domaine ayant un studio de tatouage qui répond aux normes. Dans beaucoup de pays développés, une formation à l’hygiène et en école spécialisée est désormais obligatoire pour qu’un tatoueur puisse exercer son métier. Sur le plan économique, il arrive assez souvent qu’après quelques années de tatouage, l’on décide de changer de motif ou carrément de se débarrasser définitivement d’un dessin qu’on s’est imprimé sur le corps. Le dermatologue français Pierre Patrice Cabotin avertit, «se tatouer est facile, seulement que se faire enlever un dessin sur le corps peut devenir problématique surtout lorsqu’il s’agit d’une peau noire ou très brune». Le traitement est plus long, plus cher, plus douloureux et plus coûteux. Le processus peut prendre une vingtaine de séances espacées d’au moins un mois dont chacune coûte entre 80 et 180 euros, ajoute-t-il.
 

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