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«Prions pour Haïti»

  • 8 septembre 2021
Rogerio Mossimann da Silva

Il y a plus d’un mois, le prêtre jésuite Rogerio Mossimann da Silva a été victime d’un kidnapping pendant quatre jours par des bandits armés à Port-au-Prince. L’expérience l’a profondément marqué et l’a fait sentir la douleur des Haïtiens,  qui vivent continuellement dans l’insécurité à cause des enlèvements qui, ces dernières années, sont devenus monnaie courante. Dans une lettre qu’il adresse à ses confrères jésuites et à ses amis, il raconte ce qu’il a vécu.
 
« J'ai été kidnappé la semaine dernière, ici en Haïti. Je suis resté quatre longs jours en captivité, du mercredi 28 juillet soir au dimanche 01 Aout soir. Le contexte du pays s'étant fortement aggravé ces derniers mois, nous n'avons pas ignoré le risque, et notre vie quotidienne exigeait déjà que nous cherchions à concilier prudence et appels de la mission.

Dominés par les gangs, les abords du noviciat des Jésuites en Haïti constituent un réel danger. Nous limitons au maximum les départs, nous redoublons d'attention. Cependant, nous étions conscients que des gangs armés circulaient dans toute la région, et il suffirait d'être «au mauvais endroit et au mauvais moment» pour que quelque chose se passe. Et l'action de grâce de Pedro Casaldáliga, un confrère âgé et affaibli, me vient à l'esprit : «Merci, Seigneur, car, par ta grâce, nous ne reculons jamais devant la tentation de nous laisser emporter par la peur.»





Subjugué par la bande au milieu de la petite route, malgré les circonstances, je peux dire qu'en général, j'ai été bien traité, sans brutalité, et je n'ai manqué ni de nourriture ni d'eau (à boire, à me baigner). Après ces jours, de retour à la maison, je dois dire: amis, que je vais bien, maintenant j'essaie de me reposer un peu, pendant que je recueille les leçons de ces jours.
Ma cellule (la petite pièce pour se tenir en équilibre sur le sol étoilé d'une vieille cabane à la périphérie rurale) a été l'occasion d'une retraite. Suivant dans une certaine mesure, de manière condensée, malgré l'absence de silence extérieur, j'ai opéré une relecture de toute ma vie. J'ai aussi projeté l'avenir en me souvenant du pape François, qui espère que l'humanité pourra sortir mieux de ces temps de pandémie. J'ai réfléchi: si je passe par là, laisse-moi le faire pour être mieux: vivre avec plus de Foi, plus d'Espérance, plus d'Amour, plus d'esprit et de pratique de Service et de Solidarité, plus ferme dans la Fidélité.


Je me suis senti accompagné

Je me suis senti accompagné par les confrères jésuites d'Haïti; du Brésil; du Canada; de la République Dominicaine; de l’Amérique Centrale et par mes proches, etc.  Et pour les amis, autant de personnes de tant de régions que, je le savais, une fois la nouvelle reçue, ils ont immédiatement commencé à être présents avec moi, à prier pour moi, et cela m'avait donné une force énorme. J'ai aussi été nourri par le souvenir des Sœurs et des Frères qui ont déjà quitté cette vie, mais continuent en communion du sein de la Trinité. Des visages, des noms intensément retenus! Je me sentais aussi uni, en chair et en os, aux peuples qui souffrent, les victimes de telles violences, notamment le peuple haïtien, les plus pauvres et les plus vulnérables du pays.

Le lundi 26 juillet, le père Stanley a assumé le noviciat, selon les prévisions. Mon plan était de quitter la maison immédiatement. Mais décidé d’y rester encore deux ou trois jours.

Indépendamment de cet épisode, mon retour au Brésil était déjà décidé et aura lieu dans quelques semaines. Je rejoins donc le Brésil après plus de 6 ans en Haïti (depuis le 28 avril 2015). Je vais réserver une période de repos et de revigorer la santé, puis j’embrasserai ma nouvelle mission, même si la ville où je résiderai n’est pas encore définie.
Encore une fois, merci beaucoup à tous ceux qui m’ont accompagné par leur amitié, affection et prières, etc. Prions et travaillons pour Haïti. Prions et travaillons pour le Brésil. Prions pour ce monde qui est le nôtre, plongé dans les misères et les insécurités. Et engageons-nous avec une espérance renouvelée, pour que le droit de vivre dans la Paix, dans la Justice et la Réconciliation; germe et multiplie ses fleurs abondantes et ses fruits savoureux pour plus de vie…»

A cette réalité illustrée par l’expérience du P. Rogerio il faut ajouter que le 14 août 2021, un séisme de magnitude 7,2 a secoué le sud de Haiti, causant au moins  trois mille blessés et plus de 500 morts.

 
 

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