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Pourquoi l’Afrique du Sud est ravagée par la Covid-19?

  • 21 août 2020

Prosper TEHOU


L’Afrique du Sud est le pays est le plus affecté par la Covid-19 sur le continent africain et le cinquième au monde après les USA, le Brésil, l’Inde et la Russie. Plusieurs raisons ont provoqué l’expansion rapide du virus dans ce pays, dont les mesures de confinement ont été jugées les plus strictes au monde. Cette semaine, l’Afrique du Sud est entrée dans la phase du déconfinement progressif en vue de rouvrir son économie.

L’Afrique du Sud avait enregistré son premier cas de coronavirus le 5 mars 2020. Il s’agissait d’un sud-africain de 38 ans, qui revenait des vacances en Italie avec sa femme et ses collègues. Dès lors, le virus s’est répandu dans le pays comme un feu de brousse. Aujourd’hui (20 août 2020), le pays compte officiellement 596.060 cas confirmés, 12.423 décès et 491.441 personnes guéries, selon le magazine Jeune Afrique. Le nombre d’infections en Afrique du Sud est le plus élevé de l’Afrique; il représente pratiquement la moitié de toutes les infections enregistrées sur le continent.
Le plus grand nombre de cas par jour avait été enregistré le 24 juillet 2020 avec 13.944 cas. Ces derniers jours, les infections journalières semblent désormais suivre la courbe descendante. Les statistiques sont à prendre avec les pincettes, mais il semble que le pire est passé. Il convient aussi de signaler que l’Afrique du Sud a enregistré le plus grand nombre de cas sur le continent parce que c’est le pays africain qui a le plus procédé aux tests (au moins 3.183.658 de dépistages).  




Beaucoup de facteurs ont contribué à ce que l’Afrique du Sud soit le pays le plus touché sur le continent:

Le tourisme
Le tourisme a joué un rôle prépondérant dans l’expansion du virus dans le monde en général et en Afrique du Sud, en particulier.  L’Afrique du Sud est le troisième pays le plus visité d’Afrique derrière le Maroc et L’Egypte, avec un nombre total d’environ 10.5 millions de visiteurs en 2019. Le nombre élevé de touristes qui visitent le pays et des voyageurs qui y transitent a contribué à la propagation de la covid-19. Si on prend les données de l’Organisation Mondiale du Tourisme, parmi les dix pays les plus visités au monde, au moins trois se retrouvent également parmi les dix pays les plus infectés par le virus. Aussi, selon la même source, au moins cinq des pays les plus visités au monde font partie des pays qui ont officiellement enregistré plus de décès.




La surpopulation
Les bidonvilles situés aux périphéries des grandes villes sud-africaines sont surpeuplés. La plupart sont des agglomérations héritées du système colonial de l’apartheid, où les maisons sont mal construites, avec très peu d’espacement approprié, où l’on rencontre aussi des cabanes en matériaux non durables ou des maisons non achevées. En plus, le système d’évacuation des eaux usées n’y existe presque pas. La surpopulation en milieu urbain ou péri-urbain met à mal tout effort de distanciation sociale et de respect des mesures d’hygiène. Ainsi, la population est exposée au coronavirus.

Le manque de respect des mesures barrières
Tout au début de l’épidémie, une grande partie de la population n’avait pas encore pris conscience de la situation. Beaucoup niaient l’existence de la maladie et bafouaient les gestes barrières. Pour la plupart, il s’agissait d’une maladie importée, qui avait une cible bien précise, soit sur le plan social, soit sur le plan racial. Voyant cela, le Président Cyril Ramaphosa avait déployé l’armée pour contraindre la population au respect des gestes barrières. Ainsi l’Afrique du Sud a connu l’un des confinements les plus stricts au monde, où même la vente de la cigarette et de l’alcool était interdite.
La classe politique et les différentes forces vives du pays avaient félicité le président de la République pour avoir opté pour préserver la vie des citoyens au lieu de privilégier l’économie, comme c’était le cas dans certains pays comme les Etats-Unis. Le confinement, apprécié presque partout dans le monde, avait eu l’effet salvateur de permettre au système de santé sud-africain de se préparer pour ce qu’il convient désormais d’appeler la guerre contre l’ennemi invisible, le coronavirus. Ainsi le ministre de la santé, le Docteur Zweli Mkhize, s’était lancé dans une course contre la montre pour s’assurer que les hôpitaux du pays étaient en mesure d’accueillir les patients atteints du virus.



Le président sud-africain Cyrill Ramaphosa avec un masque

Le climat
Même si, pour le moment, il n’y a pas encore d’études scientifiques approfondies qui établissent un lien entre le climat et la propagation du virus, une évidence semble se dégager des observations faites de par le monde: le virus semble circuler beaucoup plus facilement dans un environnement de fraicheur. La pandémie a coïncidé ici en Afrique du Sud avec la saison pré-hivernale et l’hiver australe qui, normalement, s’étend du mois de juin au mois août. L’infection au coronavirus étant respiratoire, elle se répandrait beaucoup plus facilement pendant la saison froide, comme cela est le cas pour la grippe saisonnière.

La corruption
Très tôt, les « vieux démons » du parti au pouvoir ont ressurgit et des contrats des marchés publics signés pendant cette période étaient passés dans l’opacité totale. Ainsi, des équipements de protection destinés aux personnels soignants étaient volés et détournés; l’aide alimentaire destinée aux plus pauvres était pillée par certains élus locaux. Le cas le plus fameux a été celui du marché public dont avait bénéficié l’époux du porte-parole du président, Diko Kusela et elle a dû prendre un congé en attendant que toute la lumière soit faite sur l’affaire.

La pandémie rappelle la crise du SIDA
Les dernières données sur l’évolution du coronavirus en Afrique du Sud font craindre le pire, car, vu que le virus touche de plus en plus de personnes, beaucoup se souviennent de la crise du SIDA des années 2000. La pandémie du VIH/SIDA avait causé un énorme déséquilibre social. Selon les données officielles de l’ONUSIDA, en 2018, le pays comptait environ 7.700.000 personnes vivant avec le VIH; et, selon l’OMS, un peu plus de 300.000 cas de tuberculose ont été enregistrés dans le pays la même année.
En effet, l’Afrique du Sud vit plusieurs crises sanitaires à la fois. Les hôpitaux sont débordés à cause des patients du coronavirus, ainsi les patients atteints par d’autres maladies chroniques comme le SIDA, la tuberculose, etc… n’ont plus accès aux soins ou ne veulent plus se rendre dans les hôpitaux de peur de contracter la Covid-19. A part la crise sanitaire, le coronavirus fragilise fondamentalement, le tissu social sud-africain. En effet, les sud-africains sont un peuple qui célèbre les évènements de la vie, du berceau au tombeau; les circonstances actuelles ont rendu très difficiles les célébrations et les retrouvailles.

La pandémie risque d’accroître la pauvreté et les inégalités sociales
Il y a encore beaucoup d’incertitudes quant à ce qui concerne l’issue de cette pandémie. De plus en plus, les sud-africains, comme beaucoup dans le monde, sont convaincus que cette crise est venue pour s’installer et qu’elle aura de profonds impacts sur toutes les composantes de la vie humaine. Sur le plan sanitaire, nos destins semblent être liés et nous souhaitons de tous nos vœux qu’un vaccin ou un traitement effectif soit trouvé et soit déclaré bien universel, auquel l’humanité entière a accès sans aucune discrimination. L’Afrique du Sud fait partie du cercle restreint des pays africains qui se sont offerts volontaires pour tester de potentiels vaccins avec un essai clinique actuellement en cours dans le pays pour le vaccin développé par l’Université d’Oxford, en Grande Bretagne.




Du point de vue socio-économique, les perspectives semblent être peu reluisantes pour le pays. De plus en plus de voix s’élèvent pour parler de la crise économique causée par le confinement et la restriction de certaines libertés.  Sizwe Pamla, du congrès des syndicats sud-africains (COSATU) a déjà annoncé les couleurs en disant que beaucoup d’emplois seront perdus et que beaucoup de personnes ne seront pas en mesure de payer leurs crédits bancaires.
Selon l'économiste politique Daniel Silke, le pays émergerait du confinement comme une friche ou un désert  économique qui mettra des années à se régénérer. L’Afrique du Sud qui est déjà marqué par des inégalités s’en sortira surement comme une plus grande  île d’inégalités, où la pauvreté va s’accroitre d’avantage. Ceci justifie le fait que le 15 Aout passé, le gouvernement a dû rouvrir presque tous les secteurs d’activités économiques même si les frontières terrestres et aéroportuaires du pays restent fermées jusqu’à nouvel ordre.
 

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