Les albinos sont sujets des mythes dans le monde, surtout en Afrique. Souvent, ils sont victimes des préjugés, de la discrimination et de la violence. Pour les faire connaître et améliorer leur sort, en 2014, l’Assemblée Générale des Nations Unies a proclamé le 13 juin «journée internationale de sensibilisation à l’albinisme».
Par P. Jean-Claude Kobo, mccj
L’albinisme est une affection génétique et héréditaire non contagieuse. Elle touche les personnes sans distinction de race, d’ethnie ou de sexe. Elle se caractérise par une réduction importante de la production de mélanine dans le corps. Cette carence entraîne l’absence partielle ou totale de pigments sur une partie ou sur la totalité de la peau, des cheveux et des yeux. Les personnes souffrant de cette anomalie développent deux problèmes de santé congénitaux et permanents: une déficience visuelle et une grande vulnérabilité de la peau causée par les rayons ultraviolets; ce qui les expose, assez souvent, au cancer de la peau.
Une population vulnérable
La prévalence de l’albinisme, dans le monde varie d’une région à une autre.
En Afrique, par exemple, l’albinisme atteint d’une personne sur 5 000 à une sur 15 000. Dans de nombreuses zones d’Afrique comme au Niger, le taux de prévalence de la maladie atteint une naissance sur 1 000, affirment les spécialistes du domaine. Il existe de nombreuses hypothèses pouvant expliquer cette fréquence élevée de naissance des albinos dans ces régions dont l’isolement et l’endogamie surtout dans les groupes tribaux petits et fermés. Mais, c’est plus la survie qui pose des problèmes aux albinos. Une étude effectuée en 2021, intitulée
«L’albinisme dans le monde, à la une des droits de l’homme», faite par les experts indépendants Ikponwosa Ero, Samer Muscati…, souligne que, dans de nombreux pays, l’espérance de vie des personnes atteintes d’albinisme est inférieure à la moyenne nationale. En Ouganda, par exemple, 70% des personnes atteintes d’albinisme meurent avant l’âge de 40 ans. Des taux similaires ont été signalés dans les pays voisins, indique la même étude. Dans certaines régions d’Afrique Subsaharienne, beaucoup d’albinos meurent avant l’âge de 40 ans en raison d’un manque d’informations sur les soins et la protection de la peau, ainsi que d’un manque d’accès aux lotions et aux vêtements de protection solaire.
Par manque d’environnement adapté, ils sont souvent contraints de travailler à l’extérieur, exposés au soleil, subissant ainsi toutes les conséquences que les rayons solaires exercent sur leur peau et le corps entier.
La discrimination et les fantasmes
Les personnes atteintes d’albinisme représentent un pourcentage relativement faible par rapport à la population mondiale. Malheureusement, elles sont très touchées par la pauvreté, notamment dans les pays en développement. En plus, elles sont victimes de multiples formes de discrimination liées à la couleur de leur peau et ils sont exclus des politiques publiques de santé et de l’éducation.
Une étude réalisée en Sierra Léone a révélé que 80% des personnes atteintes d’albinisme subissent des insultes. Au Malawi, les personnes atteintes d’albinisme sont affublées de tous les noms d’oiseaux. Elles sont appelées «azungu» (personne blanche) ou «napwere» (tomate jaune). Au Kenya, un membre du Parlement atteint d’albinisme, Isaac Mwaura, a fait l’objet de moqueries de la part d’un autre membre du Parlement. Les propos moqueurs visaient le chapeau à larges bords de M. Mwaura, que les personnes atteintes d’albinisme portent souvent pour se protéger contre le soleil.
Les personnes atteintes d’albinisme subissent des injures et des violences verbales. Elles font l’objet de mythes et de préjugés néfastes, qui « ont pour effet de les priver de leur humanité, ouvrant ainsi la voie à l’exclusion et aux attaques». Ces mythes et préjugés servent de prétexte à la discrimination et confèrent un caractère naturel à l’ostracisme et à l’exclusion. Cette discrimination affecte tous les aspects de leur vie-dans les contextes sociaux (communauté et famille), éducatif, sanitaire et professionnel. Exposés au trafic des organes
Dans certaines parties du continent noir, les albinos risquent leur vie à cause des fantasmes et des croyances qui leurs sont attribués par ignorance et superstition. Les croyances selon lesquelles les albinos possèdent des puissances surnaturelles qui permettent l’obtention de la guérison, de la chance, de la prospérité ou de la protection… sont très répandues dans l’imaginaire de certains peuples.
Dans son article «En Afrique subsaharienne, les albinos entre déni d’humanité et déification» publié au CAIRN, Aggée Lomo Myazhiom, déclarent : ces «nègres blancs» sont considérés comme des êtres ambivalents dotés d’une puissance occulte, des êtres de l’entre-deux, qui relient le visible et l’invisible. Pour ces raisons, les albinos sont attaqués, assassinés ou mutilés au cours de rituels de sorcellerie ou de magie. Certains organes de leurs corps sont vendus, alimentant ainsi le marché de la traite des êtres humains. En 2018, dans la province de Mpumalanga, en Afrique du Sud, un homme a admis avoir tué une fille albinos de 13 ans dans l’espoir d’assurer le succès de son entreprise. Au procès, l’un des meurtriers a expliqué qu’un guérisseur traditionnel, qu’il avait consulté à Pretoria, lui avait exigé le corps d’un albinos, rapporte un article de ‘BBC News Afrique’ publié le 21 août 2019. Au Mozambique, dans la région de Tete, un père de famille et son beau-frère allaient vendre trois enfants albinos, au Malawi voisin, pour un montant total équivalent à plus de 38 000 dollars, a précisé lors d’une conférence de presse, le porte-parole local de la police, Feliciano da Câmara, au journal ‘Le Parisien’ en juillet 2022. Ce crime crapuleux n’est pas isolé dans le continent. Dans un rapport publié en juin 2016, l’ONG canadienne ‘Under The Same Sun’ avait recensé 457 attaques, dont 178 meurtres, commis ces dernières années contre des albinos dans 26 pays d’Afrique. Les pays les plus souvent cités sont la Tanzanie, avec 161 attaques, la R.D.Congo 61, le Burundi 38, le Malawi 28et la Côte d’Ivoire 26, ajoute ce même rapport.
Besoin de protection
Depuis longtemps, la situation des personnes touchées par l’albinisme interpelle les pouvoirs publics dans le monde et en Afrique. La zambienne Muluka-Anne Miti-Drummond, Experte indépendante sur les droits de l’homme et l’albinisme, qualifiait les attaques brutales subies par les personnes atteintes d’albinisme comme des crimes de haine et des pratiques préjudiciables. Elle exhortait ainsi les Etats à les reconnaître comme telles et à adopter des lois pour protéger les albinos.
En 2019, le Conseil exécutif de l’Union Africaine avait adopté le Plan d’action régional sur l’albinisme. C'est le tout premier mécanisme régional pour s’attaquer de manière proactive à la discrimination et à la violence contre les personnes atteintes d’albinisme. En janvier 2020, est née la première.
Alliance mondiale de l’albinisme pour soutenir les personnes qui en sont atteintes dans le monde entier. En mars 2023, le Conseil des droits de l’homme s’est penché sur la jouissance des droits humains par les personnes atteintes d’albinisme et sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable. Selon cette convention, l’expression «discrimination raciale» désigne toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique. La multiplication des alliances et des coopérations régionales en Europe, en Amérique et en Afrique constitue une évolution intéressante qui est en train de changer le regard et le comportement à adopter vis-à-vis de ces personnes qui ont besoin de plus d’attention.
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